The silence of the words is often the roar of the souls
Comme à l’accoutumée, Iseut empruntait toujours le même itinéraire pour rentrer chez elle, après les cours. Elle ne portait pas son uniforme scolaire pour la simple et bonne raison qu’elle s’était changé dans les toilettes d’un petit café qu’elle fréquentait de temps en temps avec ses parents lorsqu’ils avaient l’occasion de sortir ensemble tous les trois – chose devenue très très rare ces derniers temps. Connue là-bas comme le loup blanc, la demoiselle n’eut donc pas besoin de faire des pieds et des mains pour qu’on lui laisse accès aux locaux normalement réservés à l’usage du personnel. On la savait respectueuse, elle. Au moins une qualité que certains percevaient là où d’autres ne s’arrêtaient qu’au physique ; comme d’habitude.
Sweat-shirt à capuche avec cette dernière vissée et rabattue sur le devant de sa tête, Iseut marchait de manière voutée, de manière à ce que sa chevelure sombre face ‘voile’ devant son visage. Ce n’était bien sûr pas suffisant pour lui bloquer la vue, aussi pouvait-elle encore marcher droit devant elle sans se manger poteaux et autres mobiliers urbains, mais ainsi, au moins, le champ de vision des autres était… un peu réduit et la jeune fille n’avait plus l’impression d’avoir à souffrir encore de tous leurs regards désobligeants. C’était une bien maigre compensation, mais Iseut tâchait de faire du mieux qu’elle ne pouvait pour se faciliter la vie.
Malgré tout, à force d’être perdue dans ses sombres pensés, c’était cela qui faisait perdre à la demoiselle son sens des priorités. Alors qu’elle s’apprêtait à tourner à droite à l’angle d’une rue, elle ne fit pas attention outre mesure et… percuta quelqu’un. Le choc la renvoya directement le coxys sur le bitume sale de la rue, mais ce n’était pas vraiment pour sa propre personne qu’Iseut s’inquiétait. En se redressant, son premier réflexe fut d’aller adresser la parole à sa pauvre victime involontaire. « Je… Je suis désolée. Tout va bien ? »
La dernière chose qu’elle aurait voulue aurait été de faire du mal à autrui ou causer du tort. Car Iseut, bien qu’haït par son apparence, n’est pas fait du bois des montres, elle.
La cohue de la sortie des cours, agaçante, toujours la même et ne variant jamais d’un pouce, arrivant toujours avec ce même ton insupportable aux oreilles de Mikoto. Cette dernière ne peut qu’afficher un air agacé en repoussant légèrement les autres – la jeune fille n’est pas spécialement forte après tout. Ah, le lycée possède encore aujourd’hui cette même atmosphère étouffante. A moins que la saison estivale ne vienne renforcer cette impression ?
Sans se presser une fois sortie de Yuuei, Mikoto avance d’un pas léger, pensive, après avoir sorti des écouteurs de son sac et mis en route une playlist au hasard, pour accompagner sa marche. Il n’y a pas de sujet particulier concernant sa rêverie, les nuages constituant déjà une source d’intérêt suffisante. Quoique, rajouter des dentelles à son uniforme déjà bien modifié et agrémenté de froufrous et autre coquetteries, semble d’un coup être une idée digne de presser le pas pour retrouver sa très chère machine à coudre. Si bien que la demoiselle ne prête déjà plus grande attention à ce qui l’entoure, la musique l’enveloppant dans une chaude étreinte, de quoi oublier le reste et se concentrer uniquement sur des choses plaisantes.
Pour autant, ne plus faire attention du tout n’était sûrement pas l’idée du siècle, et la lycéenne le comprend quand le choc d’avoir heurté quelqu’un la sort brusquement de ses pensées. Scène d’autant plus embarrassante que l’inconnue se retrouve par terre sans vraiment l’avoir demandé. Mikoto elle, recule sous le choc, mais parvient à conserver son équilibre, sûrement grâce à ses acquis des cours de la branche héroïque. Ils serviront au moins à quelque chose. Un instant, elle hésite à tendre sa main, fine et dégageant cette impression de fragile, mais l’autre se redresse bien vite. Tant pis, sûrement pour une autre fois.
▬ Je… Je suis désolée. Tout va bien ?
Surprise sur le coup d’une telle remarque, Mikoto laisse apparaître sur son visage juvénile l’expression de son étonnement. Elle hésite un moment, mais finit par afficher un sourire un peu gêné. Ce n’est pas Yuuei après tout, ni sa classe d’imbéciles, pas la peine de jouer à la petite princesse pour le moment.
▬ Oh, ne t’inquiète donc pas pour moi. C’est moi qui devrait te poser la question, tu ne t’es pas blessée après cette chute ?
Laissant passer un temps, une seconde, un instant, mais déjà quelque chose de trop long à son goût, la blanche porte la main ne tenant pas son sac à sa bouche, comme pour traduire un embarras.
▬ J’en oublie mes manières ! Je suis vraiment désolée, j’avoue que je ne regardais absolument pas devant moi…
De mieux en mieux. Déjà qu’avec son physique de poupée, Mikoto n’est pas franchement crédible, la voilà qui se remet à se donner un genre. Un jour sûrement, la demoiselle passera à autre chose, finira par s’accepter comme elle est, ce genre de chose… Mais ce n’est point le débat du moment, comme la vue de la jeune fille cachée sous sa capuche le suggère une nouvelle fois.
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The silence of the words is often the roar of the souls
Elle est belle. Adorable, même. La première pensée d’Iseut, lorsque son regard sombre tombe sur la pauvre personne ayant dû supporter sa bousculade, va en ce sens. Elle est belle. Le cœur d’Iseut se serre. Vu que l’extérieur, ça à l’air si simple d’être jolie, de se sentir ravissante. Mais c’est faux, totalement faux. La métisse sait parfaitement de quoi elle parle ; toute sa vie n’a jamais rimé qu’à se faire martyrisé à cause d’un visage trop peu saillant en termes de beauté. Et pourtant, la demoiselle en face d’elle semble maîtriser cet art des plus abstrait au point que la différence entre les deux âmes se fait clairement ressentir. Tout du moins, c’est ainsi que la brune voit les choses et les interprète. Ses mâchoires se serrent. Non, elle n’a pas le droit d’en vouloir à autrui pour être née jolie. Personne ne choisit son apparence, c’est la vie. Peut-être qu’un jour, elle finira par s’y habituer, peut-être pas. Tout dépendra du regard des autres ; encore une fois. Mais pour l’heure, la ‘sans-alter’ était plutôt occupée à se soucier de la princesse tout juste rencontrée. Ses vêtements sont plus que gracieux, se dit l’apeurée. Est-ce un uniforme scolaire qu’elle devine sous les rajouts ? Ou tout autre chose ? Iseut ne sait pas trop, à vrai dire. Sa mère l’a entrainé à coudre un petit peu mais rien de très concret, aussi son regard n’est pas aussi habitué à repérer ce genre de choses. Elle posera la question. Peut-être. Ou peut-être pas.
Déjà, Iseut est étonnée de voir qu’on lui retourne sa politesse. Ce n’était guère souvent que ce genre de choses se produisait. « Non, ça va, je vais bien… » Elle se sent vraiment différente de son interlocutrice improvisée. Totalement, même. « Et, il n’y a pas de mal, je ne faisais pas non plus attention où j’allais. Et je marchais trop vite, désolée. » Elle avait, bien entendu, tut les raisons qui l’avaient fait se hâter de la sorte, ce n’était pas utile de le préciser. Elle se faisait discrète comme une souris alors qu’elle aurait voulu être panthère, Iseut. Sauf qu’un animal tel est magnifique, majestueux. Pas comme elle. Tout n’est que différence entre elle et le reste du monde. Un jour elle s’y fera. Peut-être. Ou peut-être pas. En attendant… « Et tes habits, ça va ? Je veux dire, ils ne sont pas abîmés ou éraflés ? »
La métisse aurait bien sur préférée que rien de tout ceci ne soit avéré mais dans le pire des cas elle pouvait toujours essayer de faire un point de couture.
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