L'héroïne (en herbe) des campagnes •• Tori

Tori est née un beau et surtout chaud jour de juin, dans une région reculée au milieu des montagnes japonaises. Fille aînée et fierté de ses parents, on peut dire qu'elle a été élevée avec amour et n'a manqué que de peu de choses durant les premières années de sa vie. À ses quatre ans, ses parents lui offrirent même un compagnon de jeu et de bêtises : son petit frère. Loin de tout, dans leur petit monde, ils ont vécu une enfance paisible.

Lorsque son alter s'est manifesté pour la première fois, c'était quand un de ses camarades de classe se faisait embêter - et même frapper - par plusieurs autres enfants, sous prétexte qu'il était plus petit, plus bête ou peut-être simplement plus timide, elle ne se rappelle plus exactement. Tête brûlée qu'elle était, Tori s'est mise en tête d'arrêter ces «vilains», et a foncé tête baissée pour se battre, protéger l'autre. Bien sûr, son infériorité numérique lui a laissé un gros désavantage, et alors qu'elle était prête à abandonner, deux autres Tori sont apparues ! Quelle surprise ! N'ayant aucun contrôle sur ses clones cette fois-ci, elle a fini aussi épuisée et couverte de bleus que ses adversaires. Mais elle avait gagné. Et c'était ça qui comptait. L'enfant n'avait alors jamais connu de sentiment plus agréable que celui de rendre justice. C'est à ce moment-là qu'elle s'est mise en tête de devenir une super héroïne au lieu de reprendre l'exploitation agricole de la famille, et ça ne lui est jamais sorti de la tête.

Sa famille, parlons-en un peu. Des agriculteurs tout à fait respectables, ouverts d'esprit, mais peut-être un peu dépassés par la société moderne. Vivant dans un minuscule village relativement reculé, c'est comme s'ils étaient hors du monde et loin de ses problèmes. Bien sûr, on n'en est pas au point de ne pas avoir de télévision ou d'ordinateur à la maison, mais les excursions dans les grandes villes ont toujours été rares chez les Niwa, dont le mode de vie est bien loin de celui du Tōkyōïte moderne.

Tori, en plus des festivals et de la danse, que fait-elle durant les vacances ? Depuis toute petite, et surtout depuis qu'elle peut appeler ses clones, elle aide à récolter le riz ou les légumes, parfois elle va s'occuper des animaux dans les autres fermes du village. Et elle aime bien, elle est dehors, elle profite et s'amuse avec tout le monde. Et puis elle est devenue très endurante, comme ça. Ne caricaturons pas non plus, elle a plein d'autres passe-temps, surtout depuis qu'elle a été au collège dans une ville un peu plus grande que son bled, mais elle sera toujours enthousiaste pour sortir et faire des activités en plein air.

Un changement radical et encore tout frais dans sa tête, ça a été la Yuuei. D'abord, le concours d'entrée. Déjà, il a fallu aller à Tōkyō, et ça, c'était déjà une aventure en soi. La capitale, quoi ! Rien que ça ! Plusieurs heures de train la veille, une excitation impossible à calmer, de l'énergie à revendre. Et ensuite, la Yuuei en elle-même, c'était grand, c'était plein de monde et de héros, c'était comme dans un rêve. L'examen, elle ne l'a pas vu passer tellement c'était rigolo, tellement elle a pris de plaisir à la fois à immobiliser les robots qu'à aider certains camarades en difficulté. Et le soir, autant dire qu'elle a dormi à poings fermés. Ce jour-là, elle en a parlé pendant des jours et des jours à sa famille et à ses voisins, ça devait sûrement être un peu lourd. Mais en même temps, ça a mis un peu d'animation au village.

Et puis, quand elle commençait à s'arrêter de toujours raconter comment c'était trop bien et qu'elle voulait sauver des gens et taper sur les vilains, elle a reçu les résultats. «Acceptée.» «Et c'est reparti.», qu'on s'est dit intérieurement, au village. On n'avait pas tort. De là, tout s'est passé plutôt vite, elle a dû déménager ses petites affaires jusque chez son oncle et sa tante chez qui elle avait déjà squatté le jour de l'examen d'entrée, et voilà qu'elle allait en cours à la Yuuei, dans une classe sympathique. Elle ne s'est pas encore tout à fait faite à la vie à Tōkyō, puisqu'elle s'émerveille encore sur tout et n'importe quoi, par exemple les pubs diffusées sur ces écrans géants, dans la rue, ou encore la foule permanente que l'on trouve dans certains quartiers. Elle fait aussi une collection de tickets de métro, qu'elle colle soigneusement dans un carnet après utilisation — y en a bien qui font ça avec des feuilles mortes, alors pourquoi pas ? Heureusement qu'elle n'a pas d'appareil photo d'ailleurs, elle remplirait des dizaines de carnets de machins tous plus inutiles et ordinaires les uns que les autres. C'est ça Tori, c'est la bledarde un peu stupide. Elle a encore beaucoup à découvrir, et ne fait que s'en réjouir.