« Mon histoire n'est pas si fameuse que ça, elle est même plutôt banale quand l'on y pense. »C'est probablement ce qu'affirmerait Kane lorsqu'on lui demande de parler un peu plus de lui plutôt que de ses prototypes. Dans un air détaché il vous racontera les grandes lignes de sa propre biographie : né dans un village près de Rome en Italie, vît seul avec sa mère, a déménagé au Japon il y a plus de 10 ans blablabla… Mais quand est-il vraiment ? Quels secrets se cache au fond de ce jeune homme au bras des plus singuliers, quelles cicatrisent panse-t-il lorsqu'il semble perdu dans ses pensées ? Pour cela il faut se pencher sur Kane lorsqu'il n'avait que 4 ans. Son père ayant été emporté par la maladie, c'est à la mère qu'on incombe de travailler jours et nuits afin de pouvoir subvenir aux besoins du jeune garçon. Afin de ne pas le laisser seul, Kane était souvent confié à une église proche de la maison afin qu'il puisse au moins passer du temps avec d'autres enfants, dans un environnement semblable à une garderie. Kane aimait bien aller à l'église, même si les sermons des prêtres étaient soporifiques il aimait bien la compagnie que pouvait lui apporter d'autres garçons et filles de son âge. Jusqu'à ce que son Alter finisse par se manifester de lui-même.
Le jeune homme avait souvent pu voir d'autres enfants éveiller leurs pouvoirs, cela se passait le plus souvent dans la stupeur et l'admiration. Mais pour Kane ce moment-là n'était que douleur et larmes. Son bras droit le faisait souffrir à tel point qu'il avait l'impression qu'il brûlait, littéralement. Sa peau virait lentement du rouge vif au bleu luisant, avant qu'une sorte de carapace se forme naturellement par-dessus son membre presque possédé. La scène avait réussi à effrayer les autres enfants, au même titre que les prêtres qui étaient perturbés par l'Alter de Kane. Le garçon ne se souvenait même pas quand ou comment la douleur de son bras s'en alla, il ne résista pas à tant d'émotions soudainement et perdit connaissance dans les cinq minutes qui suivirent. Bien que Kane n'avait rien d'extraordinaire jusqu'à maintenant, on peut dire qu'il a pu rapidement attirer l'attention de son entourage. Un peu trop même, car la routine du petit homme se fera violemment détruite par la présence permanente de ce bras presque difforme et ne correspondant à rien de connu de nos jours.
Les pouvoirs ainsi que les héros devenus monnaie courante, il restait tout de même certains pays qui n'appréciaient pas ce genre de surhommes. Notamment les petits villages d'Italie qui avait en horreur ceux qui avaient la capacité de transformer le corps humain, désacralisant la forme que Dieu nous aurait offert. De ce fait, il ne fut pas longtemps à Kane avant d'affronter la réalité autour de lui : les prêtres lui interdirent l'accès aux églises, les enfants l'évitaient ou lui lançaient des cailloux à vue etc… Tout cela blessa profondément le garçon qui se retrouvait détesté par tous, s'enfermant dans sa chambre tout en jurant qu'il préférait ne plus sortir si c'était pour voir que le monde le rejetait. Seule sa mère était là pour lui, le protégeant contre ceux qui souhaitaient porter atteinte à son enfant. Chaque soir elle l'enlaçait afin qu'il puisse pleurer, elle savait à quel point il était difficile de se sentir seul contre tous. Née au Japon, elle faisait partie de ceux qui naissaient sans pouvoirs, ce qui n'était pas véritablement vu d'un bon œil par tous. Dans un pays qui met davantage en avant ses Supers ainsi que les pouvoirs, difficile de ne pas avoir la sensation d'être un mouton noir dans un tel environnement. Alors elle décida de partir du Japon et son voyage l'amena à rencontrer le père de Kane ici, en Italie.
Au fond d'elle, la mère savait quelle était la meilleure solution pour son fils. Elle savait qu'il ne pourra jamais profiter des joies de la vie si le monde autour de lui ne voyait que son bras, et pas celui qui le porte. Elle a dû faire un choix difficile pour elle, et décida une bonne fois pour doute de retourner au Japon avec Kane. Si son pays natal ne l'accepterait pas, alors celui de sa mère le fera. C'est donc ainsi que Kane mit les pieds pour la première fois au Japon, où il fut frappé par le changement de décor. Entre les bâtiments et les personnes à l'apparence bien singulière dans la rue, Kane paraissait presque normal au milieu de tout cela. Très rapidement il fit la rencontre de ses grands-parents qui accueillirent à bras ouverts les deux venus d'Italie. Les parents de sa mère avaient toujours gardé contact avec leur fille, sans jamais remettre en cause les raisons qui l'ont poussé à partir des années auparavant. Ainsi, une sorte de nouveau départ s'offrait à Kane qui pouvait désormais se montrer sans cacher son bras transformé. Il pouvait aller à l'école primaire, se faire des amis, avoir du mal à apprendre le japonais etc… Néanmoins, quelqu'un a dit un jour qu'un grand pouvoir impliquait de grandes responsabilités. Kane ne savait pas si son pouvoir était grand, mais il allait l'amener à des responsabilités à son échelle.
En effet, le bras du garçon n'avait pas seulement une apparence différente, sa force, ses réflexes, sa résistance… Les capacités physiques du bras étaient renforcées au point où Kane pouvait facilement faire voler des tables et autres frigos alors qu'il n'avait que dix ans. Malheureusement, lorsqu'on est jeune on fait souvent des erreurs, même involontairement. Alors qu'il souhaitait défendre un camarade de classe se faisant racketter par des collégiens profitant de leur Alter pour s'amuser, il finit par briser en deux le bras d'un de ces derniers alors qu'il cherchait à contrôler la situation. Mais il ne pouvait rien contrôler du tout, son bras était d'une force démesurée, comparé à la normale, et il n'en avait pas le contrôle. Son méfait fit écho jusqu'aux oreilles du directeur de son école, qui ne chercha pas à connaître les origines de l'acte de Kane et se contenta de le punir avec un sérieux avertissement, le menaçant même d'expulsion si cela venait à recommencer. Bouleversé, Kane était perdu dans ses propres jugements. Devait-il prendre le risque de blesser sérieusement en défendant quelqu'un, ou devait-il fermer les yeux et faire comme si de rien n'était ? Tout était confus dans l'esprit du garçon qui pensait que les héros japonais avaient toutes les réponses à toutes les questions, mais peu importe le nombre de reportages qu'il pouvait regarder, la réponse qu'il pouvait en tirer semblait inappropriée. Après tout, qui viendrait en vouloir à un Super de sauver quelqu'un ? Personne ne le menacera de le virer lui…
C'est ce que pensait Kane même s'il était bien étranger à ce que pouvait vivre les héros de nos jours face aux lois. Bien sûr qu'un héros pouvait risquer de perdre sa licence s'il n'agissait pas de façon adéquate dans son sauvetage, mais difficile pour un enfant de dix ans de comprendre ça. Donc comme tout gamin de dix ans, il décida de ne pas y penser tout de suite et se dire que la réponse lui viendra tout naturellement. Bon Dieu qu'il avait raison puisque c'est sans compter qu'il finit par se retrouver dans exactement la même situation : le même camarade de classe qui se faisait aborder par les deux mêmes collégiens. Quand on dit qu'on est face à un déjà-vu, cela n'a jamais été aussi prononcé. La peur empêchait Kane d'agir, s'il s'en prenait de nouveau à eux il était sûr d'être expulser, il pensait qu'il valait mieux abandonner ce pauvre bougre et continuer sa route… Cependant, le verbe « abandonner » fit resurgir de très mauvais souvenirs, pulvérisant les doutes du garçon qui bondissait pour frapper l'un des deux collégiens.
« Abandonner ne fait pas partie de mon dictionnaire ! », disait-il fièrement alors qu'il avait la sensation d'être un héros pour quelques instants.
Ce fut seulement pour quelques moments puisqu'il fut aussitôt renvoyé de son école lorsque le directeur finit par entendre de nouveau parler de lui. Mais pour une fois il n'avait pas la sensation d'avoir fait quelque chose de mal puisqu'il a pu aider quelqu'un, et s'en faire un nouvel ami. N'ayant pas été immédiatement réhabilité dans un nouvel établissement, Kane commençait à passer davantage de temps avec son grand-père qui était un mécanicien. L'école mise de côté pour un moment, il accompagnait son papy sur son lieu de travail où il assembler et régler des équipements relativement sophistiqués pour aider les entreprises privées et autres organismes (comme la police) à se sécuriser. Kane fut tout de suite attiré par le concept à tel point que chaque jour il suppliait son grand-père de lui apprendre à se servir des différents outils pour monter plusieurs pièces. Afin de ne pas trop l'avoir dans les pattes parce que par moment il faudrait avoir un peu d'espace pour le boulot sérieux, il lui proposa de s'exercer sur une vieille moto qu'il utilisait dans ses jeunes années. Des étoiles dans les yeux, Kane finit par prendre le défis au pied de la lettre et à saisir les différentes clés pour retaper la moto, sous les directives de son papy.
Les années passèrent rapidement, Kane ayant repris une scolarité stable bien qu'il ait redoublé une année à cause de ses actes, il finit par être un assistant des plus qualifiés pour aider son grand-père dans ses travaux, finissant même par surprendre ce dernier tant qu'il commençait à développer une imagination des plus farfelues en matière de créations. Néanmoins, alors que l'eau coulait sous les ponts il pouvait voir certains de ses amis s'engager sur la voie des héros, souhaitant rentrer dans l'école la plus prestigieuse : Yuuei. Cela laissait un arrière-goût assez amer de voir des adolescents du même âge que lui pouvoir aller dans une école de héros, tandis que lui devait encore attendre une année pour se présenter. Bien que c'est dans ce genre de moment que plusieurs questions s'imposent : souhait-il devenir un héros ou vivre une vie normale et banale ? Pouvait-il mettre à profit son bras aux airs douteux ? Ce bras pouvait-il devenir un symbole ainsi qu'une force dans lequel les autres pourront puiser ?... Il préférait laisser ces questions trainer dans un coin de sa tête quelque temps… Mais être indécis nous rend parfois prévisible, surtout pour Kane dont la confusion pouvait se lire jusqu'à son air un peu perdu alors qu'il était face pour l'énième fois à la moto de son grand-père, une clé à molette dans la main gauche, la paume ouverte pour la main droite.
Le sage de la famille comprit rapidement ce qui tracassait le jeune homme, la période turbulente de Kane en Italie ne lui ayant pas été caché. Il avait même remarqué un dossier d'inscription vierge sur le bureau de son petit-fils. Néanmoins, les jours passaient et le concours pour s'inscrire dans cette académie approchait à grands pas. Parfois il fallait qu'un adulte intervienne pour guider la jeunesse, sinon comment ferait-elle pour toujours se diriger vers le bon chemin lors de périodes sombres ? Même si parfois les réponses apportées ne sont pas forcées être si claires que cela. Pendant la discussion, le jeune homme montra bien à quel point il ne pouvait se décider entre devenir un héros ou non. Sa haine pour son bras droit, son dégoût, sa peur… Son grand-père décida donc de lui présenter le véhicule à deux roues que Kane avait fini par remettre à neuf après tant de temps passé dessus.
« Tes mains ne sont pas faites pour blesser ou effrayer les autres. Tu as le don de t'impliquer dans ce que tu penses juste, la volonté de surmonter les difficultés et la gentillesse d'un panda. Le plus important n'est pas de devenir un héros, c'est de l'être aux yeux des personnes que tu souhaites aider. »Bien que ses mots semblaient vagues, Kane comprit chacun d'entre eux comme s'ils se dirigeaient directement vers sa poitrine. Observant sa main défigurée par son Alter, il saisissait une clé de 14 alors qu'il se dirigeait en direction de l'atelier. Même s'il n'acceptait toujours pas cette nature qui s'accrochait à lui, il était décidé à s'en servir du mieux qu'il le pouvait pour venir en aide aux autres. Depuis qu'il ruminait dans ses doutes sur le oui-du-non, il avait eu le temps de dessiner de nombreuses esquisses pour des équipements et autres armes susceptibles de l'aider. Mais maintenant que l'examen était proche, il se devait de se dépêcher et d'au moins en construire un pour l'assister dans son entrée. C'est ainsi qu'il se présenta à l'examen de Yuuei, caché au milieu des très nombreux prétendants collégiens. L'examen écrit ne fut pas si compliqué que cela, il fut même surpris par sa simplicité. Même s'il a perdu une année de façon assez bête il fallait l'avouer, Kane était quelqu'un qui a eu d'excellentes notes tout du long de sa scolarité. Sauf en japonais littéraire, il ne faut pas trop lui en demander non plus.
Puis vint enfin l'exercice pratique, le plus important selon lui. Il comprit globalement l'enjeu ainsi que le contenu des règles. Alors que le départ fut lancé, seul Kane restait sur place, laissant les autres s'avancer pour affronter les robots. Lorsque l'un de ces derniers s'effondra après une dizaine de secondes, il s'en approchait de manière relaxée pour l'observer un instant. Son expérience en mécanique et technologie lui permettait de rapidement analyser les attributs des engins. Une fois le jugement terminé, il observait une opportunité parmi les nombreuses batailles entre les prétendants et les robots. Il finit par voir un des sujets au test manquer son timing pour son esquive, sautant trop tôt alors que le monstre mécanique allait le frapper de plein fouet. Passant sa main dans sa veste, Kane sortit un lourd revolver de son holster avant de tirer une unique balle précise qui traversa la jointure entre le bras et le corps du robot, le membre mécanique tombant lourdement au sol alors que l'élève en profita pour achever son adversaire.
Dans l'instant qui suivait un autre robot s'apprêtait à prendre par surprise un collégien, jusqu'à ce que le jeune homme au bras difforme tir une nouvelle fois une balle transperçante dans ce qui ressemblait au genou de la bête robotique, lui faisant perdre l'équilibre puis perdre la vie suite à l'intervention d'un prétendant. L'entièreté de l'examen se passa de cette manière, Kane n'agissant qu'en tant que soutien pour les autres, restant dans l'ombre du décor. Ses actions ne furent pas manquées par les professeurs de Yuuei, la façon dont il analysa avec sang-froid le champ de bataille ainsi que le mouvement de ces derniers, comment il arrivait à venir en aide aux autres avec précision et rapidité. Bien que son compte de « vilains-points » furent plutôt bas, il récolta un nombre assez important de « rescues-points ». La présence de son arme à feu quelque peu spéciale et inédite attira elle aussi les yeux, même si la plupart furent déçus de ne pas voir à l’œuvre son Alter.
Au final, après quelques jours la réponse arriva enfin au seuil de la porte de Kane. Un sourire se dessinait sur ses lèvres alors qu’il tenait sans s’en rendre compte le papier avec sa main droite. Plusieurs choses étaient inscrites dessus, mais ce qu’il retenait de la première lecture ne fut que :
« Félicitations, et bienvenu à Yuuei ! »